Histoire du village…

La mémoire de ROZOY....

J’AIME MON VILLAGE

Yvonne nous raconte….

Mme Yvonne Perrier a toujours très active et impliquée dans la vie de son village, elle a su, au fil de ses récits, publier dans le journal de la commune, nous faire partager ses souvenirs et nous raconter « l’histoire rozéenne ».  Elle a toujours été une passionnée de son village, dont elle connaissait les moindres recoins.

Mme Yvonne Perrier nous a quittés dans sa 94ème année, le 26 août 2015 . Merci « Tante Yvonne » pour nous avoir permis de partager, au fil des pages, vos souvenirs authentiques et le fruit de vos recherches sur l’histoire de Rozay.

 

PARUTION EN 1836, CE QUE L’ON ÉCRIVAIT DU ROZOY….

D’après « Monographie des villes et villages de France, Seine-et-Marne », par Félix Pascal, paru en 1836, réédité en 1992 et en 2006 tirage limité)

Le canton de Rozay (Rozoy à l’époque) fait alors partie de l’arrondissement de Coulommiers. Ce canton forme en quelque sorte le centre du département, sa figure est irrégulièrement quadrilatère. Il est borné : au nord, par le canton de Crécy ; à l’est, par les cantons de Coulommiers et de la Ferté Gaucher ; au sud, par le canton de Nangis et à l’ouest par les cantons de Mormant et de Tournan. Son étendue du nord au midi est de 6 lieues et de 3 ½ lieues de l’ouest à l’est.

Il comprend 28 communes dont quatre étaient dans l’ancien diocèse de Paris : Les Chapelles Bourbon, La Houssaye, Neufmoutiers et Villeneuve Saint Denis, et trois dans le diocèse de Sens : Courpalais, Bernay et Vilbert. Le reste dépendait du diocèse de Meaux. Ce canton faisait partie de l’ancienne province de la Brie Française. Il renferme au nord toute la forêt de Crécy, le midi est une plaine que sillonne de l’est à l’ouest le vallon où coule la rivière d’Yères et, dans différentes directions d’autres vallons où serpentent des cours d’eau qui se rendent à cette rivière, enfin le Grand Morin passe à l’extrémité nord-est. Il est traversé par la route de Melun-Laon, de Montereau Fault Yonne à la Ferté sous Jouarre, de Melun à Coulommiers et par celle de Paris à Sézanne.

La production du canton de Rozay consiste surtout en grains et en bois. La population est de 14 075 âmes. Rozoy – Rosetum in Bria -, est une ancienne ville bâtie à mi-côté sur un terrain fertile et bien cultivé, incliné à l’occident ; au bas de la côte coule la rivière d’Yères qui sépare un des faubourgs peu considérables du reste de la commune. Cette ville, de forme octogonale, était jadis fermée de murailles flanquées de treize tourelles sans compter celles que l’on avait accolées à chacune de ses trois principales portes. Elle était entourée de grands fossés, maintenant surmontés de promenades bien plantées.

Les remparts de Rozoy furent refaits vers la fin du XVe ou au commencement du XVIe siècle par les soins et aux frais des habitants. On voyait encore en 1782, sur une pierre placée en fronton d’une des portes, dite la Porte de Rome, une inscription conçue en ces termes : « Je fus mise ici par le commun, l’an 1512 » ; Les armoiries de la ville, qui surmontent cette pierre ont 3 roses accolées de 2 anges et surmontées de cette devise : « rosa inter flores ». Les autres portes sont décorées des mêmes armoiries auxquelles sont accolées 2 branches de laurier croisées en dessous : les 3 roses sont de gueule sur fond sablé d’azur et surmontées d’une couronne de comte. Plusieurs anciens traités devant notaire, attestent que les remparts en dedans et en dehors des fossés et les portes ont toujours été entretenus aux dépens de la ville et lui en conservent la possession. La porte supérieure de la ville est la plus considérable, la plus aérée et celle où se trouvent une plus grande quantité de belles maisons. On y voit deux petites places publiques, dont l’une sert au marché de menues denrées, l’autre est celle où se tient le marché au blé. L’église est bien bâtie et belle. La délicatesse de son architecture pourrait la faire comparer à une cathédrale. Elle est placée presque au centre de la ville et sous l’invocation de la Vierge. La tradition porte que St Thomas de Canterbury en fit la dédicace. Une peinture qui se voyait au milieu du rond point de l’église attestait un miracle arrivé en 1198. Un prêtre, d’une foi chancelante célébrait la messe, lorsque tout à coup, le pain fut visiblement changé en chair et le vin en sang (Rigord, cité par Duchesne – Histoire de France, tome 5, p. 41 et La Chronique de Nangis, tome 2, p. 19, font mention de ce miracle) On ajoute que ce prêtre effrayé quitta l’autel et s’enfuit en criant « à Rome, à Rome ! ». La rue et la Porte par laquelle il passa ont depuis retenu le nom de rue et porte de Rome, au lieu du nom de « Reversement », qu’elles avaient auparavant.


Rozoy possédait son « Hôtel Dieu », qui était autrefois établi hors les murs sous le nom de Maladrerie. Sur la fin du XIIIe siècle, il fut transféré dans l’enceinte de la ville, devant le grand portail de l’église, près de la fontaine publique. La place où il a été construit fut concédée en 1289 par le Chapitre de Paris, et l’administration de cet hospice confiée aux habitants du lieu par arrêt du Conseil du 6 mars 1695. On y établit vers la fin de 1748 deux sœurs de la communauté de Joinville qui ont soin des pauvres malades. Sur l’ancien emplacement de l’Hôtel Dieu, il y avait encore au commencement de la Révolution une petite chapelle dite « St Lazare », il ne reste plus qu’une ferme appelée « La Maladrerie » et qui forme une partie du patrimoine de l’hospice. La Fabrique sur ses revenus, était chargée de distribuer chaque année 4 legs à 4 pauvres enfants orphelins de Rozay : les enfants légitimes étaient préférés aux enfants naturels. On délivrait un de ces legs le lendemain de Noël et les 3 autres le lendemain de Pentecôte, dans des assemblées qui se tenaient au banc d’œuvre. Ces legs se tiraient au sort entre les enfants désignés, que l’on prenait tour à tour chaque année dans l’un ou l’autre sexe. Les filles devaient être âgées de 14 ans, les garçons de 16. Le marguillier payait la somme de l’apprentissage d’un métier ou à la constitution d’une dot pour les autres. Lorsqu’un orphelin mourait sans avoir touché le legs qui lui était échu, ce legs se tirait au sort entre les orphelins au préjudice de la Fabrique. Le plus ancien de ces legs n’avait pas vers 1770 cent quarante ans d’établissement. Cette institution toute philanthropique avait été fondée par les bourgeois et les marchands de la ville, vénération à la mémoire des généreux citoyens qui consacrent leur fortune à de pareils établissements. Vis-à-vis de l’église est la prison, bâtiment humide et peu sûr, composé de 2 ou 3 salles basses éclairées par une seule croisée. Avant 1660, la communauté des habitants possédait une ferme appelée alors l’Hôtel de Rome, avec un fief ayant haute justice. On assure que la ville en fit présent à un duc d’Angoulême qui l’avait délivrée de l’invasion des ennemis. Les Missions étrangères possédèrent ensuite ces deux propriétés qui appartiennent aujourd’hui à des particuliers.

En 1648, les religieuses du tiers ordre de St Dominique s’établirent à Rozay (rue de Gironde : il ne reste que la grille d’entrée et les deux piliers) et y formèrent une communauté assez nombreuse. Elles étaient chargées de l’éducation des jeunes filles, soumises à l’ordinaire, elles avaient pour supérieure une prieure triennale. Les lettres patentes de leur établissement sont de 1650, confirmées par lettre de surannation, en février 1673. Rozay était régi par la coutume du baillage de Melun.

En 1558, les doyens, chanoines et chapitres de l’Église Notre-Dame de Paris assistèrent à la rédaction de cette coutume, représentés par Jacques Quétier, leur official, et les mamans et habitants de la ville de Rozoy et Verjus, leur procureur.

La justice de cette ville était une prévôté. Les appels de sentences se relevaient au baillage de la barre du Chapitre, et de là au Parlement. On assure que le bailly de la barre tenait ses assises à Rozoy tous les cent ans, y réformait les règlements de police particulières et les faisait publier : les dernières se sont tenues en avril 1683. Un orme, appelé « l’ormeteau », situé sur les limites de la commune de Rozoy et de celle de Voinsles, était, dit-on, le siège de ces séances.

Le baillage de Melun avait la connaissance des cas royaux. Le corps de ville, depuis les édits de mai et d’août 1784 était composé de deux échevins, de trois conseillers de ville, de six notables, d’un syndic-receveur et d’un secrétaire greffier.

Rozoy était le chef-lieu d’un siège d’élection d’où dépendaient soixante-trois paroisses et entre autres Mormant, Jouy-le-Châtel, Faremoutiers, Nangis, Tournan. L’intendance et la généralité étaient à Paris. Le grenier à sel de cette élection était fixé à Fontenay-Trésigny, depuis le Marquis de Breteuil, ministre, alors seigneur de Fontenay.

Il tient à Rozoy deux foires par année, les jours de Saint-Jean-Baptiste et de Saint-Martin d’hiver, et tous les samedis un marché assez considérable de blé qui sert d’approvisionnement à Paris. On y fabriquait autrefois des étoffes de laine. Le commerce qu’entretenaient ces produits augmentait la population, mais détournait peut-être les habitants de l’agriculture.

La ville est ornée de deux beaux lavoirs, alimentés par d’excellentes fontaines. Quoique située sur une côte, elle possède un grand nombre de sources et plusieurs puits très bons, construits pour les besoins du public dans la plupart des rues. Rozoy en 1790 a été le chef-lieu d’un district dont le tribunal était Coulommiers.

Les portes de Rome et de Gironde ont été démolies en 1782 et remplacées par des pilastres. Lors de la suppression des districts, vers la fin de 1795, Rozoy n’a plus été qu’un chef-lieu de canton ; comme tel, il était le siège d’un tribunal de paix et la résidence d’une brigade de gendarmerie.

Cette ville est traversée par la route de Paris à Vitry-le-François ; elle est à quatre lieues sud de Coulommiers et à huit lieus nord-est de Melun. Les productions de son territoire sont des grains et de belles prairies. On y cultive aussi la vigne et les arbres fruitiers, tels que les poiriers et les pommiers à cidre. Sa population est de 1 500 habitants. C’était en 1836.

PLACE DE l’HÔTEL DE VILLE ET DE LA STATUE DE LA RÉPUBLIQUE

Les plus anciens des Rozéens se souviennent sans doute de l’aspect de la Place de l’Hôtel de Ville quand elle était encore ornée par la grande statue de la République qui se trouve aujourd’hui Boulevard Victor Hugo. En fait, depuis la fin du 19ème siècle, cette place a connu plusieurs modifications spectaculaires. Jusqu’en 1890 la Place de “l’Hôtel de Ville” se limitait à une seule allée menant à la Mairie, bordée de deux trottoirs plantés de gros tilleuls, et dont subsiste le trottoir qui longe l’immeuble de la pharmacie. Cet immeuble était prolongé par une remise jouxtant l’Hôtel de Ville. Celle-ci était affectée au commerce de vin et de la tonnellerie de MM. Simon (respectivement mon arrière grand-père et mon grand-père). Cet immeuble est devenu la Salle Maubert. De l’autre côté se dressait le haut mur latéral d’un pâté de maisons qui occupait toute la place actuelle. Il faisait face d’un côté aux immeubles de la Grand’Rue (actuelle rue du Général Leclerc) et de l’autre à la Rue aux Fromages. Sur le coin de la Grand’Rue, il y avait le magasin de nouveautés de M. Charpentier et, à côté, l’atelier de menuiserie Faucy. En face se trouvait la charcuterie de M. Lefebvre, qui fut démolie en 1904, et dont les bois de la façade (XVIIème siècle) sont exposés dans le hall de la Mairie. Tout ce quartier de Rozay (Grand’Rue, Rue aux Fromages), bordé de vieilles maisons, était très pittoresque. Mais il était devenu vétuste et se dégradait peu à peu.

En 1888, le Conseil Municipal décida que ce pâté de maisons serait démoli et qu’on en profiterait pour créer une grande place devant la Mairie. Ce sera la Place Ambroise Adam, du nom de l’ancien sénateur-maire et conseiller général de Seine-et-Marne. M. Bac, conseiller municipal, propriétaire du Château du Breuil, industriel à Paris, proposa l’édification d’une statue de la République, au centre du nouvel espace, à l’aide d’une souscription.

En 1892, le 12 juillet, par un temps ensoleillé et en présence d’une assemblée considérable eut lieu l’inauguration de la statue. La tribune officielle se dressait dans la rue face à la statue. Parmi les personnalités il y avait Casimir Gasthelier, député de l’arrondissement de Coulommiers (dont Rozay dépendait à cette époque), le sous-préfet de Raissac en Ariège, (d’où venait la statue), le conseiller général Jules Bastide et le maire de Rozay, Emile Hu (de 1888 à 1892). Tous les discours exaltaient les idéaux de la République.

En 1945, la place Ambroise Adam, que tout le monde appelait toujours la Place de l’Hôtel de Ville, devint la Place Charles de Gaulle.

En 1964, nouveau chambardement : le conseil municipal décide d’enlever la statue de la République du centre de Rozay pour l’ériger dans le cadre verdoyant du boulevard Victor Hugo. Des générations de petits Rozéens ont usé leurs fonds de culotte en jouant sur le socle du grand monument. Comme son modèle de la Place de la République à Paris, la statue de Rozay perpétue le souvenir des grands républicains que furent Gambetta, Jules Ferry, Clémenceau, sans oublier Victor Hugo lui-même. Petit casse-tête pour les concurrents des rallyes : qu’est-ce qui différencie la statue de Rozay de celle de Paris ? Réponse : l’une des deux porte haut le flambeau de la liberté dans la main droite, et l’autre de la main gauche. Si vous voulez savoir laquelle des deux est à Rozay il faut aller vérifier au boulevard Victor Hugo !

LA GARE DE ROZAY-EN-BRIE

C’était la ligne de Jouy-le-Châtel à Marles-en-Brie. Elle faisait partie de l’avant-projet soumis à l’approbation du Conseil Général par Monsieur de Ségur, président de la commission des chemins de fer lors de la séance du 20 décembre 1895. Son tracé empruntait au sortir de Jouy-le- Châtel le bas-côté de la RD 231, longeait la N4 et puis la D 36 jusqu’à Marles-en- Brie, où elle se raccordait à la ligne de Coulommiers-Paris, exploitée par la Compagnie des Chemins de Fer de l’Est. Construite au frais du département, elle avait été concédée à la Société des Chemins de Fers Economiques.

Livrée au trafic le 21 avril 1902 elle desservait Jouy-le- Châtel, Vaudoy, Voinsles, Rozay-en-Brie, Bernay, Vilbert, Fontenay- Trésigny et Marles-en-Brie sur un parcours de 25,857  kms. Elle a été fermée au trafic le 31 août 1938. La ligne téléphonique ne fut installée qu’en 1907, une liaison s’avérant indispensable. Avant cette mise en service, le chef de train devait se rendre au poste public le plus proche (à l’époque le téléphone n’étant pas très répandu), ce qui en cas d’incident accentuait la durée d’arrivée des secours et augmentait les retards. Dès l’ouverture la ligne fut desservie par trois allers-retours par jour. Les services étaient exploités par section et donnaient correspondance avec les trains pour Paris-Coulommiers-Sézanne. Les circulations se faisaient les premières années par trains mixtes (voyageurs et marchandises) et renforcées, en cas de besoin, par des trains facultatifs.

Toutefois, dès 1905, un service supplémentaire aller-retour fut institué en été sur la ligne les dimanches et jours fériés. Pour les voyageurs la ligne a été fermée le 26 septembre 1933. Elle continuait à assurer le transport des marchandises. Le service postal et le transport des voyageurs fut ensuite assurés par un car, ligne Rozay-Marles, deux fois par jour. Cette situation dura jusqu’en septembre 1938, date à laquelle le Conseil Général ordonna la fermeture totale de la ligne de voyageurs, en conservant la ligne du chemin de fer de 1939 à 1948 pour le trafic
des marchandises et surtout pour l’usine de la Râperie de Neslesla- Gilberde (Société SAY).

Le Conseil Général décida la fermeture définitive le 1er juillet 1950. Déclassée en mars 1951, la gare fut achetée par la Coopérative de la Brie qui y installa ses bureaux (le silo étant construit à côté). Construite sur le même modèle que toutes les gares du XIXème siècle, au bout de la Rue de la Gare devenue depuis Avenue de Verdun, elle était seule au milieu des champs. Un chemin, qui n’existe plus, descendait vers les prés et la rivière. Les prés sont devenus les Etangs des Carreaux et l’Etang de Nesles. Le bâtiment de la gare existe toujours. Il est caché dans la verdure entre le Chemin des Olivettes et le silo. Les rails ont été enlevés. Il n’y avait pas de passage à niveau : le tacot n’était pas le TGV !

LES DEUX RESTAURATIONS DES GRANDES ORGUES DE ROZAY-EN-BRIE AU COURS DU XXEME SIÈCLE

Première restauration par Maître Gabriel d’Alençon (1930 à 1933)

Maître Gabriel d’Alençon, maître organiste restaurateur des orgues de Rozay, en 1933 disait : « Les Grandes Orgues actuelles, dont le buffet principal encadre merveilleusement la grande rosace, où sied et triomphe le Christ, entouré des figures symboliques de ses Evangélistes, sont le joyau de la Collégiale de Rozay-en-Brie ».
Elles sont, au dire de la tradition, le don de Madame de Maintenon qui possédait une résidence dans la région. Cependant, si l’on tient compte, à défaut de pièces d’archives, de bien des détails de la structure des orgues et de leur tribune, on ne peut douter que la Collégiale possédait déjà des orgues au XVIème siècle. En effet, on peut admirer les superbes galeries sculptées qui ornent les côtés de la tribune : panneaux de style gothique flamboyant sur la nef nord et de style renaissance avec une grande variétés de lignes sur la nef sud. En France, la présence d’une tribune revèle toujours l’existence d’un orgue, la liturgie indiquant le choeur, et non la tribune, comme lieu le plus propre à l’exécution des chants et cérémonies de l’office divin. Le sommier principal est encore celui du XVIème siècle avec ses registres doublés de peau et la place de son ancienne distribution de jeux, qui, avec la restauration du XVIIIème siècle, subira une orientation différente. C’est donc  une reprise d’oeuvre totale, avec la distribution nouvelle des jeux et la modernisation des buffets, qui aurait été l’objet de la générosité de Mme de Maintenon.
Mais en France surtout, les oeuvres d’art sont souvent vouées à une vie bien éphémère. Qu’un mouvement social se produise et le peuple s’en prend, non seulement à ceux qu’il considère comme ses tyrans, mais aussi aux produits du labeur et de la patience des artistes.

C’est ainsi que nos Grandes Orgues, qui avaient échappé à la destruction totale pendant la Révolution de 1789, furent la victime, lors des désordres de 1848, d’une dévastation qui les conduira, jusqu’à nos jours, au mutisme le plus complet. En effet, à l’entreprise de la restauration, on y a trouvé les anciens soufflets en lambeaux, les différentes pièces de la mécanique éparses et les jeux des tuyaux d’étain jetés en vrac et écrasés. Mais les longues années de mutisme de nos orgues ont contribué à leur résurrection, sous un aspect traditionnel et liturgique, alors que la presque totalité des orgues de France, plus avantagées en fait d’entretien et de restauration, ont subi, au cours des siècles précédents, des transformations malheureuses qui leur ont causé, au point de vue artistique, un préjudice irréparable.

En effet, la Révolution a ruiné non seulement bon nombre de nos chefs d’oeuvre, mais aussi supprimé les cadres des artistes, les maîtrises, qui étaient une vraie pépinière d’hommes d’élite et où le chef-d’oeuvre était exigé pour le titre de « Maître ». Aussi le XIXème siècle a-t-il été néfaste pour l’art et le goût public, livrés à la norme commune et commerciale de l’offre et de la demande.
Les Grandes Orgues de Rozoy-en-Brie, ayant échappé, par le long retard apporté à leur restauration, à ce vandalisme d’un genre nouveau qu’est le modernisme mal compris, on a pu heureusement réunir et reconstituer les divers éléments constituant l’art français traditionnel et véritable des orgues. C’est ainsi que ce fier instrument vient s’ajouter à la liste minime des vrais beaux orgues, épargnés ou reconstitués d’antan. Les connaisseurs en jugent par avance à la nomenclature de ses 25 jeux répartis entre ses deux claviers et son pédalier. L’inauguration des Grandes Orgues sous la présidence de S.E. Monseigneur Lamy, Evêque de Meaux a eu lieu le dimanche 13 août 1933. Peu de temps après l’inauguration, ont été volés les deux anges sculptés en bois posés de chaque côté du positif.

Deuxième restauration par Maître Yves Cabourdin (1994-1996)

Mlle A. Darras, après cette restauration en 1933, a été nommée organiste, et a accompagné toutes les cérémonies pendant 50 ans, jusqu’en 1988. Par la suite, comme les orgues ne fonctionnaient plus, après beaucoup de démarches et de discussions, la commune, avec les services du Conseil Général, de l’architecte des monuments historiques et le Ministère de la Culture ont décidé la restauration complète de l’instrument. En 1994, il a été entièrement démonté, et transporté à la manufacture dans le Var, où Maître Cabourdin fut chargé de le remettre en état. Durant plus de deux ans le buffet était complètement vide, tous les tuyaux étaient partis.

Son inauguration a eu lieu le 13 avril 1996, par Michel Chapuis, organiste de Notre-Dame-de-Paris ; merveilleux concert rompant enfin le silence, dans une église pleine de monde. Un livret complet, sur la restauration et l’histoire des orgues, a été édité (on le trouve à l’église). Une association, « Les Amis des Grandes Orgues Historiques » a vu le jour. Philippe Lecossais, notre organiste, en est le Président. Passionné de cet instrument, il le fait découvrir à travers le monde. De nombreux concerts de grande qualité sont organisés. Il vient souvent des professionnels jouer et enregistrer sur ce merveilleux instrument, restauré, ayant retrouvé la sonorité de sa naissance. Une présentation portes ouvertes est organisée tous les ans en septembre pour les Journées du Patrimoine.

LE STAND DE TIR

Entre les deux guerres, les anciens élèves des garçons avaient créé une association, « l’Amicale Rozéenne », dont mon père était le président avec au bureau, d’anciens camarades et quelques bénévoles. Cette association, dissoute en 1939, à cause de la guerre, organisait bals, concerts de musique, de chants, de théâtre et le club du stand de tir qui ouvrait tous les dimanches du printemps et de l’été. Un bâtiment construit à l’angle de l’allée St-Roch et du chemin qui entoure les sablières abritait le stand de tir. À une centaine de mètres de cette maison au long de l’allée bordée de grands peupliers, un mur épais et haut servait de support pour accrocher les cibles. Un responsable se chargeait de ces opérations et communiquait avec le stand à l’aide d’un drapeau rouge ou blanc. Il n’y a jamais eu d’accident ; l’allée de St-Roch étant interdite pendant les tirs. Bien sûr ce bâtiment n’existe plus ; les maisons de la résidence ont été construites vers 1975. C’était alors une grande friche avec l’extraction de sable dans la carrière qui appartenait à la famille Liénard, le maçon qui l’exploitait pour son travail.

Tous les dimanches matin, avant l’ouverture, mon père allait à la gendarmerie chercher les culasses des fusils lebel, déposées par un sous-officier de la caserne de Coulommiers qui revenait le soir quand mon père les avait rapportées après les séances de tir de la journée. Ce bâtiment assez spacieux, recevait les amateurs de tir : un bureau pour les papiers, deux places pour les tireurs devant les ouvertures où ils s’installaient pour tirer. Une planche recouverte d’un petit molleton était devant ces ouvertures légèrement en pente pour tirer allongé ; une troisième ouverture pour tirer à la carabine debout ; un système de chaîne de vélo éloignait ou rapprochait la petite cible avec une manivelle dans un bruit de ferraille. Avec mon frère, nous allions retrouver notre père pour y passer l’après-midi. Je ne vous raconte pas le bruit dans cette maison quand les coups de fusil étaient tirés. Et puis c’était le résultat de ces tirs avec les cibles qui revenaient du mur. Je me souviens des discussions des tireurs qui comparaient leurs résultats avec passion ; il n’y avait rien d’autre que le tir ; c’était très sérieux pour les passionnés. Des concours étaient organisés jusqu’au niveau départemental. Mon père revenait avec les récompenses qu’il avait gagnées. Maman, elle, rouspétait parce que mon père n’était jamais là le dimanche durant la belle saison. L’hiver, le stand était fermé. En 1939, la déclaration de la guerre a obligé l’arrêt de ce sport. Après la guerre en 1945, personne n’a repris cette association.

LA LIBÉRATION DE ROZAY

C’était le 28 août 1944. C’était un dimanche plein de soleil. C’était vers 10 h ce matin-là. Ce dimanche matin si joyeux faisait suite à un samedi plutôt angoissant et pourtant plein d’espoir. La première Jeep, les premiers soldats américains ! Nous étions si heureux que l’on avait envie de leur donner tout et n’importe quoi, dans cet état de joie où nous étions. Les fruits, les tomates du jardin, un verre de champagne… Bien sûr ils ne parlaient pas français, mais on se débrouillait avec notre anglais scolaire et des gestes. Les rires… les embrassades… un peu de folie. Vivre ces moments merveilleux, c’est difficile à décrire, après 4 années de restrictions, d’occupation allemande (juin 1940 à août 1944). J’ai découvert dans les rations américaines qu’ils nous ont données le café soluble « Nescafé », c’était vraiment quelque chose de très nouveau, étonnant « mm » de curieuses conserves mélanges de fromage et de viande. Il y avait aussi un tout petit flacon de petits cachets bleus pour désinfecter l’eau. Je ne me souviens que de cela, mais ces rations militaires étaient bien copieuses. L’après-midi de ce fameux dimanche je suis descendue en ville pour me mêler à la liesse générale. La « grosse Marie » du clocher a carillonné toute la journée. Un garçon de Rozay avait accroché un drapeau tricolore sur le faîte du clocher près du coq. Je ne sais pas comment il avait fait mais c’était un exploit. Beaucoup de monde sur la place ou sur un plateau devant la mairie, les FFI de dernière heure rasaient la tête de quelques jeunes femmes avec autour des gens qui appréciaient ce genre de punition. Mais moi, écœurée, je suis rentrée chez moi sachant que ces filles ne faisaient pas la différence entre les garçons et leur nationalité.

Ce samedi 27 toute la journée le défilé de l’armée allemande en déroute rejoignait la Nationale 4. Ce n’était plus cette armée conquérante, tirée à quatre épingles, de l’invasion de juin 40 armée et chantante. Des charrettes de chevaux fatigués, des hommes qui se délestaient sur le trottoir, de choses lourdes qu’ils avaient volées, se rendant compte de l’inutilité de ces objets. Ils avaient envahi les cours des maisons pour se reposer ; après quelques heures de pause ils sont repartis, sans nous agresser (nous étions dans nos petits sabots). Au début de la nuit (elle était très claire ce jour-là) un canon est installé sur le carrefour en direction de la ville. Les voisins avaient fait le mur pour nous retrouver tous dans la cave étayée (au cas où !). Mais moi je voulais voir comment le canon pouvait tirer. Alors je suis montée au grenier laissant tout le monde s’installer à la cave. Un monsieur qui voulait rejoindre le centre de Rozay n’a pas respecté le couvre-feu de 17 h. Les Allemands l’ont abattu. Il est mort sur le trottoir en face la ferme d’alors. Cette nuit-là les Allemands étaient plus que nerveux.

Les Américains savaient la position de ce canon puisque nous avons trouvé des éclats d’obus au pied des échelles servant de passage entre voisins, qui se réunissaient dans notre cave. De mon observatoire à la tombée de la nuit je voyais les soldats remonter de la ville en longeant les murs, harassés, débraillés, armés de fusils et de grenades au bout d’un manche. Le canon avait disparu. L’un des soldats m’a aperçue, a tiré sur moi. La balle est arrivée sur le mur sous la lucarne, laissant un beau trou dans le revêtement. À ce moment un soldat en moto est arrivé brusquement et a harangué avec violence les soldats qui avaient sans doute décidé de lâcher la défense. Alors ils ont fait demi-tour repartant d’où ils venaient pour continuer à se battre. Je suis descendue vers la cave et j’ai un peu dormi sur une chaise. Le jour se lève vers 6 h, je quitte la cave, silence total dehors. En ouvrant la porte sur la rue, personne à part le voisin qui faisait comme moi. Au moment de lui parler, je le vois vite rentrer en fermant sa porte. Deux Allemands, fusil sur l’épaule avec un chiffon blanc accroché au canon se dirigeaient vers moi, sont passés sans un mot, ont pris la rue vers Rozay où une bande de FFI de dernière heure armés de vieux fusils les ont emmenés vers la ville « deux prisonniers ». Ces deux hommes se rendaient en ayant sans doute marre de faire la guerre. Cette bande faisait beaucoup de bruit. Il y en avait un qui avait une large ceinture rouge autour de la taille, plutôt excité. Et puis, dans la matinée, arrivée des premiers Américains vers 10 heures Un tank américain abattu par un canon en place à la Râperie. Il était sur le chemin de la ferme de Richebourg. Y avait-il eu des morts ? Je ne sais pas. Quelques jours après je suis allée avec un copain voir ce char déjà pas mal dévasté. Nous avons rapporté la boussole de ce char comme trophée, un souvenir de la bataille. Heureusement notre commune n’avait pas trop souffert à part cet homme tué parce qu’il n’avait pas respecté le couvre-feu. Chacun avait vécu de son côté le jour de la libération en attendant le mois de mai 1945 pour la fin de la guerre. C’était très et trop long ces cinq ans de guerre pour toute notre jeunesse, brimée malgré elle, selon la situation de chacun.

 

LE RÉFUGE RUSSE : 40 ANS DE PRÉSENCE A ROZAY

Au 33 de la rue de Rome une belle demeure bourgeoise. Aux XIXe et XXe siècles y habitait la famille Courbouleix avec un nombreux personnel. Elle était propriétaire aussi du jardin en face qui allait jusqu’au boulevard Gambetta, le surplombant avec le chemin de ronde qui existe toujours, avec la maison du jardinier sur le bord de la rue sur le côté. On accédait au jardin par un passage souterrain sous la rue. Par la suite cette maison est devenue un pensionnat privé pour jeunes filles pendant quelques années. Le jardin et sa maison furent vendus à la famille Ferchaud (commerçants en gros des Halles de Paris – B.O.F.). Leur jardin était toujours bien entretenu et les passants s’y arrêtaient pour l’admirer à travers la grille. Cette famille venait les week-ends, puis définitivement à leur retraite et ils y ont fini leurs jours.

C’est la famille Vigneron qui a pris leur suite. L’immeuble du 33 est ensuite resté inhabité pendant plusieurs années jusqu’à l’achat en 1935 par la Congrégation orthodoxe pour y installer une maison de retraite pour personnes âgées russes réfugiées en France, fuyant la révolution de leur pays. En 1944 cette propriété est devenue le 2ème couvent russe orthodoxe de France. Mademoiselle Hélène dirigeait cet établissement de main de maître jusqu’à l’époque (dans les années 70) où sa remplaçante, n’ayant pas été à la hauteur de cette tâche, a laissé cette maison de retraite tomber tout doucement, la conduisant à la fermeture en 1975.

Durant l’occupation, une « princesse russe », la Princesse Chakovskaïa, a servi d’interprète dans l’armée allemande à la kommandantur, installée place Charles de Gaulle, dans cette maison réquisitionnée. Les propriétaires, relégués au 2ème étage, obligés de vivre avec les Allemands. « On » disait que cette dame collaborait, espionnait. Après la libération, elle a disparu, on ne l’a jamais revue. Quelques pensionnaires avaient une chambre dans la maison d’en face, achetée par le Refuge pour agrandir son établissement. D’autres dames seules avaient une chambre en ville. Les familles de ces personnes âgées venaient à Rozay pour les voir, prenaient pension à l’auberge St Nicolas, ou louaient à l’année pour s’y réfugier avec leurs enfants, Paris n’étant plus en sécurité. Leur fille Monique avait quelques amies parmi les pensionnaires qui allaient à l’école de Rozay. C’était un endroit convivial où ces démunies retrouvaient le calme et la bonne cuisine familiale.

Tous les ans, nous étions invités au Refuge pour célébrer la Pâques Russe à l’église à gauche de l’entrée. Après cette cérémonie religieuse où toute la communauté était présente, nous partagions la collation dans la salle à manger avec tout le monde. Je me souviens du gâteau de Pâques que l’on partageait. Une pâte de fromage frais et sec, sucrée avec des fruits confits qui était délicieux. Un moment de partage simple et fraternel tout simplement. Je me souviens aussi d’un vieux monsieur, souriant, un peu bedonnant, parlant bien le français, avec une belle moustache qui avait été général sous le Tsar. Madame Téplow, une distinguée vieille dame, digne, adorable de gentillesse, nous donnait des cours d’anglais. Son fils habitait les USA et sa fille était religieuse. Elle était bien seule. Mademoiselle Gourko, sa nièce, fille d’un général, je crois, parlant plusieurs langues, réfugiée jeune fille dans la Fondation « Grace Witney Hoff », y avait appris la broderie. Elle avait des doigts de fée. Elle brodait manuellement pour la Cour batave et la Ville du Puy (maison de lingerie de luxe à Paris, qui n’existe plus) des pièces de lingerie en soie uniquement sur commande. Son travail était vraiment remarquable.

Toutes ces personnes étaient toujours très dignes dans leur malheur, ne laissant jamais voir leur précarité. Au cimetière de Rozay, quelques tombes ont été relevées du coin des indigents pour être mises dans l’espace à perpétuité. On peut les voir regroupées avec leurs croix orthodoxes en pierre. Leurs familles y reviennent. Rien ne signale dans Rozay les 40 ans de vie de cette communauté qui s’est très bien intégrée. Beaucoup de personnes comme moi s’en souviennent. À la fermeture, les pensionnaires sont partis pour Sainte Geneviève-des-Bois ou bien dans une autre maison de retraite existant à Moisenay. Là, il y avait, et il y a peut-être encore une petite structure religieuse orthodoxe avec une jolie petite chapelle construite et décorée intérieurement en fresques, par un moine russe. Le Métropole Vladimir habitait Rozay. C’est le prélat orthodoxe qui occupe le rang intermédiaire entre le patriarche et les archevêques. Le Docteur Rapaport, son épouse et ses enfants, habitant Bernay, venaient souvent au refuge. Ils avaient des liens étroits avec la maison. La chapelle où Mme Rapaport chantait comme à l’Église orthodoxe de la rue Lecourbe à Paris. Son père avait été un chef d’orchestre et un compositeur de musique en Russie, avant la Révolution. Leurs enfants habitent toujours à Bernay. Ma sœur Juliette se souvient des goûters au Refuge, invitée avec Jeanine par leur camarade de classe, une fillette russe qui fréquentait avec elles, l’école primaire de Rozay. Peut-être y-a-t-il à Rozay quelques habitants qui se souviennent ? À l’Hôtel Saint-Nicolas, Mademoiselle Ballerès, une nounou bien en chair, y venait régulièrement avec deux enfants, Michel et Hélène Amerino, qu’elle gardait à l’année à Paris.

 

ÉCOLE DES GARÇONS, ÉCOLE DES FILLES

L’école des garçons, boulevard Lafayette, construite en 1880, avait un pensionnat au 1er étage. Elle est devenue communale quand l’école est devenue obligatoire et laïque. La date de la construction de ce bâtiment est visible, côté rue de la Maladrerie, sous le toit et en chiffres romains en pierre.

Mon père, né en 1884 a fait toute sa scolarité dans cette école, mes deux frères aussi mais dans les années 1930-1940. Le directeur de l’école des garçons, Monsieur Véron, est resté longtemps à Rozay. A-t-il été le premier instituteur ? Est-ce après lui que le pensionnat a été supprimé ? Je ne sais pas. Ce que je sais, c’est que cet instituteur a pris sa retraite à Rozay et y est resté jusqu’à la fin de ses jours. Sans aucun confort, les logements des instituteurs étaient à droite de l’immeuble, les WC étaient au fond de la cour, avec seulement l’eau sur l’évier, pas de salle d’eau et pour aller dans les chambres sans chauffage et sans lumière, il fallait sortir du rez-de-chaussée et monter un grand escalier haut de plafond, glacial en hiver.

Tout cela n’a pas changé dans l’espace, mais maintenant il y a la lumière, le chauffage et les commodités. De la rue aux Buttes au boulevard Lafayette.La première école de filles a été installée rue aux Buttes dans l’actuel immeuble du Club des Anciens. La salle était séparée en deux classes. Deux institutrices logeaient au premier étage chacune de leur côté. Ma maman, institutrice, après ses études a été nommée à cette école de filles à la rentrée de 1908.

En 1913 eut lieu l’inauguration de la nouvelle école des filles, boulevard Lafayette, à côté de celle des garçons. Les deux institutrices ont quitté la rue aux Buttes pour la nouvelle école. Maintenant le décor est toujours le même ; mais on a ajouté un étage sur les deux classes pour en faire quatre, cela pour accueillir les nouveaux effectifs en 1964. Derrière les bâtiments, une grande cour plantée de tilleuls sur une pelouse, un grand préau ouvert à gauche, quatre WC en ligne au fond à droite et un jardin. Une grande haie de lilas cachait le tas de coke le long du mur du préau. Ce résidu de la houille que brûlait l’usine à gaz servait à allumer les deux énormes poêles qui chauffaient les classes et que les institutrices allumaient tous les matins. Ce coke était livré de l’usine par un tombereau tiré par un cheval. Seul un bec de gaz éclairait les classes en attendant l’arrivée de l’électricité. A côté, à l’école des garçons, le confort était le même qu’à l’école des filles.

À cette époque on ne mélangeait pas les filles et les garçons, ce n’est que plus tard, après la guerre de 39-45, que les classes sont devenues mixtes. On se retrouvait, filles et garçons, sur le boulevard pour jouer avant et après l’école. Pendant les deux mois de vacances (juillet-août) le boulevard redevenait calme. Plus de cris joyeux d’enfants mais le passage incessant des charrettes chargées de bottes de blé, allant du champ moissonné à la ferme pour y être entassées en des meules en attendant la batteuse qui s’installait dans la cour de la ferme.

Avec mes frères, pelles en main, nous ramassions le crottin de cheval pour le jardin de mon père. Quand c’était l’époque des hannetons, nous en ramassions des boîtes entières pour les donner à nos poules qui se régalaient. Ces insectes tombaient sur la route qui n’était pas goudronnée. On n’avait plus qu’à les ramasser. Ils ont dû disparaître, on n’en voit plus.

Toujours boulevard Lafayette, et la première fin de semaine de septembre, c’était la fête à Rozay. On dressait une grande tente où se déroulait un bal pendant trois jours attirant la jeunesse des environs. Et tous les danseurs de la région. Des manèges de chevaux de bois, des tirs, des jeux, des confiseries. La fanfare de Rozay donnait un concert le dimanche. C’était un jour de rencontre où l’on se retrouvait : anciens élèves, anciens habitants. C’était vraiment la fête de toute la ville. Et le lundi de la rentrée, le boulevard retrouvait son va et vient joyeux et pour chacune et chacun la promesse de bien étudier.

De la garderie à l’école maternelle

Entre les deux guerres il n’y avait pas d’école maternelle, mais une garderie dans la cour de l’ancienne école des filles de la rue aux Buttes. Une toute petite pièce abritait cette « garderie » qui recevait les enfants de 3 à 6 ans jusqu’à leur entrée à l’école primaire. Mme Ricez avait la responsabilité de cette garderie au printemps et en été. Même durant les vacances elle était sur le boulevard quand il faisait beau, avec une douzaine de petits que les mamans amenaient le matin ou le midi et reprenaient dans la soirée. Elle assurait sa tâche avec sérieux et les petits l’adoraient. Une école maternelle a été inaugurée le lendemain de la deuxième guerre mondiale.

DES TRÉSORS PERDUS, PUIS RETROUVÉS…

En janvier 1983, le Conseil Général de Seine-et-Marne a confié aux services des Archives une mission qui allait se révéler très fructueuse, surtout à Rozay :le pré-inventaire des richesses du patrimoine du département.

Le chargé de mission auprès des archives départementales Patrick Poupel et une secrétaire m’ont contactée, sur les conseils de la mairie, afin que je puisse les aider dans leur tâche. Ce travail méticuleux consistait à rechercher dans le canton les richesses architecturales, artistiques, les sites remarquables ainsi que outils et mobiliers anciens, bref les constructions, objets d’art ou objets de la vie courante qui méritent leur place dans la mémoire des Archives départementales. J’ai donc servi de guide dans Rozay pour photographier et répertorier ce qu’il y a de plus intéressant (statues, escaliers, maisons, caves voûtées, église, tableaux etc.) C’est au cours de ces recherches que nous avons trouvé avec Frère Jean-Louis, dans la sacristie, perchés sur une armoire, des tableaux pleins de poussière et dans un piteux état. L’année suivante trois tableaux ont été sélectionnés pour être restaurés. Ils ont été confiés par les Archives au restaurateur de tableaux O.S. Binenbaum de Fontainebleau. Il s’agissait : de deux huiles sur toile : «Ste Anne et la Vierge entre Ste Marguerite et Ste Catherine », daté de 1641, classé monument historique en novembre 1984 et «La Délivrance de St Pierre»,première moitié du XVIIe siècle. Il a été procédé au dos à un rentoilage et côté face, à un nettoyage, un enlèvement de peintures repeintes qui cachaient les sources anciennes, et à une restauration picturale.

Le troisième tableau étant un panneau sur bois «St Jérôme », classé monument historique, du XVIe siècle qui a subi un traitement du bois et un paquetage, parallèlement à la restauration picturale. À la suite de ces restaurations, un des tableaux « La Délivrance de St Pierre » a été sélectionné pour une exposition parisienne au Musée du Palais du Luxembourg du 10 septembre au 30 octobre 1988 organisé par le Comité Départemental du Patrimoine et le Conseil Général de Seine-et-Marne. Sur les Champs-Elysées de grands panneaux bien visibles ont annoncé cette exposition : « Trésors cachés, Trésors sacrés de nos églises de Seine-et-Marne » MM. Poher, président du Sénat, Séramy, président du Conseil Général, Blanc, Préfet de Seine-et-Marne ont inauguré cette exposition dans les salons du Luxembourg.

Un succès incontestable puisque furent vendus plus de 1 500 catalogues, 1 500 cartes postales, près de 500 affiches avec plus de 30 000 visiteurs. C’était une vitrine extraordinaire de la richesse et de la qualité du patrimoine départemental, de surcroît disséminé à travers un très vaste territoire. Mais il ne suffit pas de posséder ces richesses, encore faut-il les sauver, les protéger, les faire connaître à leur retour sur leur lieu d’origine. En 1995 les trois tableaux sont revenus, non encadrés à Rozay, après bien des tribulations ; ils furent confiés aux services des Archives, encadrés par leurs soins et ensuite accrochés sur les murs de notre église, où ils sont toujours.

La délivrance de Saint-Pierre

Ce tableau est accroché dans le chœur de l’église de Rozay-en-Brie.

Compte-rendu de Patrick Poupel, chargé de mission auprès des services des Archives départementales :

« Ce très saisissant tableau suit fidèlement le texte des Apôtres relatant la délivrance de St Pierre endormi entre deux soldats. Deux chaînes le liaient et devant la porte des sentinelles gardaient la prison. Soudain l’Ange du Seigneur survint et le cachot fut inondé de lumière. Le peintre suit le texte mais paraît obsédé par la lumière très violente qui pénétrait par la porte ouverte de la cellule en déterminant l’espace. Cette lumière modèle la composition, sculpte les plis de la robe de l’ange, écrase ceux du manteau de St Pierre. Comme un projecteur elle crée des ombres très marquées sur les murs eux-mêmes. Grâce à un raccourci talentueux le peintre représente le massif soldat assis dans le coin droit de la cellule. Son gigantisme menaçant est heureusement atténué par le fait qu’il dort, assis dans l’ombre un deuxième soldat, couché dans le fond de la pièce dort aussi. Entre ces deux guerriers St Pierre et l’Ange sont là, baignés de lumière. Celle-ci glisse sur les bras de l’ange mais éclaire intégralement le Saint. Les repeints qui amollissent le plissé de la robe de St Pierre, confèrent à ce tableau une certaine faiblesse assez décevante. Aussi est-il difficile d’attribuer une date à cette œuvre, qui s’inscrit dans le courant du caravagisme. L’auteur de cette Délivrance de St Pierre semble pourtant avoir été en contact avec le milieu romain du XVIIe siècle. L’attitude de l’Ange dont les bras ouverts empêchent le regard de se perdre dans l’arrière-plan ressemble un peu à celle de l’Ange de St-Jérôme et l’Ange de St-Simon Vouet (Washington National Gallery). Le jeu très subtil d’ombres et de lumières, le contraste des parties éveillées et endormies (le Saint et l’Ange, les deux soldats endormis représentant les armées d’Hérode Agrippa 1er), ainsi que la représentation presque idéalisée du vieillard sous les traits duquel est représenté Saint Pierre, la qualité des natures mortes (sandales, menottes) rendent très attachante cette œuvre qui semble devoir s’inscrire dans le caravagisme français de la première moitié du XVIIe siècle »

LE BAPTÊME DE NOS CLOCHES

Dimanche 21 juin 1959, Ding, ding, dong, bientôt un nouveau carillon. Cet après-midi là, dans la verdure du parc du couvent du bon secours, rue de Vilpré (devenu IMP Saint Joseph) Monseigneur Debray, évêque de Meaux est venu baptiser quatre nouvelles cloches. Suspendues à un portique spécial installé sur la pelouse, elles sont alignées par grosseur, toutes enrubannées de tulle blanc. La cérémonie a attiré beaucoup de monde. Entouré de nombreux ecclésiastiques, de Monsieur Bizière, maire, du conseil municipal, du Chanoine Albert Le Floch, Curé doyen de la paroisse, Monseigneur Debray a béni les cloches. La pluie s’est mise à tomber et tout le monde s’est réfugié dans la chapelle du couvent pour poursuivre la cérémonie. L’évêque bénit d’abord l’eau et le sel dont il se servira ensuite pour la bénédiction des cloches. Suivi par la foule, il se dirige alors vers les quatre chefs-d’oeuvre en bronze. On peut lire l’inscription gravée sur chacune d’elles : «Bénie par Monseigneur Debray, évêque de Meaux, le 21 juin 1959 offerte par une souscription paroissiale». Y sont également gravées les armes de Rozay et le nom du fondeur : fils Paccard, à Annecy-le-Vieux. La cérémonie de la bénédiction se déroule comme suit : l’évêque mouille le bord des cloches et les membres du clergé les lavent à l’intérieur et à l’extérieur en faisant des signes de croix avec les saintes huiles.

Ensuite, il place un encensoir sous chaque cloche, pour que la fumée pénètre à l’intérieur. Les chants de l’assistance accompagnent ces rites. Un diacre chante un passage de l’Évangile. Et voici le moment que tout le monde attendait : Monseigneur Debray saisit la cordelette qui nouait le battant de chaque cloche. Il commence par la plus grosse : le «Bourdon».Il lâche trois fois la cordelette et déjà un son, très grave, emplit l’air joyeusement. Puis il renouvelle l’opération sur les trois autres cloches. Chacune d’elles a une marraine et un parrain et porte le prénom de sa marraine : Marie : 1800 kgs donne le Ré bémol, Jeanne : 1250 kgs donne le Mi bémol, Geneviève : 900 kgs donne le Fa bémol, Bernadette : 760 kgs donne le Sol bémol. Les parrains et marraines sont invités à faire les mêmes gestes. Enfin les quatre cloches sont frappées ensemble.L’air vibre intensément, les accords mettent la joie sur les visages et dans les coeurs. La foule ne cache pas son émotion. Puis c’est l’heure des discours. Tout le monde se réjouit de cette manifestation d’union qu’un travail fécond a rendu possible. Monsieur le Doyen Le Floch rappelle que les cloches accompagnent les événements de notre village : baptême, mariage, enterrement. L’Angélus à 7 h, 12 h et 19 h, résonnera tous les jours rythmant la vie de chacun. Les cloches annoncent aussi l’heure des offices. La fête se poursuit par un lancer de dragées blanches et surtout une distribution de vraies petites clochettes. J’en ai gardé une dans mes trésors pendant des années sans penser qu’elle connaîtrait un jour une nouvelle vie.

En effet elle fait maintenant partie intégrante de l’Orgue de notre église de Rozay-en-Brie. Lorsque cet Orgue a été entièrement restauré en 1996, on s’est aperçu qu’il comportait sur la console une tirette qui pouvait commander le mouvement d’une petite clochette, qui avait depuis longtemps disparu. Je me suis alors souvenue de ma petite clochette datant du baptême des cloches. Je l’ai apportée à notre organiste titulaire, Philippe Lecossais, qui l’a fait mettre en place dans l’orgue.

A la fin de l’année 1959, les quatre cloches nouvellement baptisées, ont été installées dans le clocher de l’église. Elles remplaçaient la vieille Marie, après ses 350 ans de bons et loyaux services. Elle datait de 1606, du temps du règne de Henri IV. Elle avait notamment sonné toute une journée, le 28 août 1944 pour célébrer la Libération. Elle a été fondue et réutilisée pour la fabrication de nouvelles cloches. Toute la population a assisté, le nez en l’air, à l’opération qui consistait à hisser les quatre «nouvelles» dans le clocher. Enfin tout le village a pu entendre, avec ravissement, le nouveau carillon. Malheureusement nos cloches restent maintenant silencieuses depuis des années et beaucoup de Rozéens ne les ont même jamais entendues. Le clocher, semble-t-il, n’est plus assez solide pour supporter l’effet de leur balancement. Quel dommage !

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